Autopsie d’une radiation adaptative : Phylogénie des Theridomorpha, rongeurs endémiques du Paléogène d’Europe - histoire, dynamique évolutive et intérêt biochronologique

Monique Vianey-Liaud and Laurent Marivaux

Résumé :
L’étude des rongeurs Theridomorpha permet de suivre le déroulement d’une radiation adaptative pendant toute sa durée (Eocène moyen-Oligocène terminal), sur un territoire restreint à l’extrémité ouest de l’Europe Occidentale. Dans ce papier, la phylogénie de ce groupe est établie à partir d’une analyse cladistique reposant sur l’examen de 315 caractères (310 dentaires). Le groupe d’intérêt comprend 110 des 132 espèces (24 genres) de Theridomyoidea et deux genres encore inclus jusqu’ici dans les Reithroparamyinae qui rejoignent les Theridomorpha. Les groupes externes comprennent des Glires basaux, Cocomys, Tanquammys et 16 Ischyromyiformes. Un cadre phylogénétique robuste est produit, qui permet de clarifier la systématique des Theridomorpha. La position des Remyoidea (nov. sup.fam.) au sein des Ischyromyiformes, extérieure aux Theridomorpha, est confortée. Les Protadelomys et Tardenomys sont à la base des Theridomyoidea, avant la séparation en deux clades correspondant aux familles Pseudosciuridae et Theridomyidae. Les sous-familles sont consolidées : Pseudosciurinae et Sciuroidinae pour les Pseudosciuridae ; Issiodoromyinae, Oltinomyinae, Columbomyinae, Theridomyinae, auxquelles s’ajoute au moins une nouvelle sous-famille (Patriotheridomyinae), pour les Theridomyidae. La topologie des chrono-espèces (sensu Simpson), traitées antérieurement comme lignées évolutives, apparaît dans la plupart des cas sous forme de clades successifs dans lesquels les espèces sont le plus souvent arrangées de manière pectinée, émergeant dans l’ordre stratigraphique. L’analyse des caractères aux principaux nœuds permet de consolider les caractères diagnostiques des taxons et les tendances évolutives, ainsi que de discuter des divers parallélismes et convergences dans l’évolution des structures et patrons dentaires (e.g., émail des incisives unisérié chez les Issiodoromyinae et les Patriotheridomyinae, ou pseudo-multisérié chez les Blainvillimys les plus hypsodontes, les Protechimys et Archaeomys ; patrons dentaires téniodontes ; allongement des dents déciduales chez les Patriotheridomyinae, Issiodoromyinae et Theridomyidae ; sélénodontie ou lophodontie). Les dynamiques évolutives traduites par les changements morphologiques sont mises en relation avec les variations environnementales. Enfin, les implications biochronologiques de l’évolution des Theridomyoidea sont discutées.
Abstract:
The adaptive radiation of the rodents Theridomorpha occurred during a limited time window (middle Eocene to late Oligocene), on an area restricted to Western Europe. In this paper, the phylogeny of this group is established via a cladistic assessment of 315 morphological characters (310 dental). The group of interest encompasses 110 upon 132 species (24 genera) of Theridomyoidea, and two genera formerly included within the Reithroparamyinae, and which are included here within the Theridomorpha. The outgroups include basal Glires, Cocomys, Tanquammys and 16 Ischyromyiformes. A robust phylogenetic frame is produced, which allows clarifying the systematics of the Theridomorpha. Within the Ischyromyiformes, the Remyoidea (nov. supfam.) are set apart from the Theridomorpha. Protadelomys and Tardenomys represent the earliest offshoots of the Theridomyoidea, before the dichotomy between Pseudosciuridae and Theridomyidae. It supports the former subfamilies Pseudosciurinae and Sciuroidinae within the Pseudosciuridae; and for the Theridomyidae: the Issiodoromyinae, Oltinomyinae, Columbomyinae, Theridomyinae, with at least one new subfamily (Patriotheridomyinae). The topologies of the chronospecies (sensu Simpson), formerly considered as evolutionary lineages, appear in most cases as successive clades, in which the species are generally pectinately arranged and emerging in the stratigraphic order. The analysis of characters supporting the main nodes allow consolidating the diagnosic characters of the taxa and their evolutionary trends, as well as discussing the various cases of parallelism and convergence in the evolution of structures and dental patterns (e.g., uniserial incisor enamel for Issiodoromyinae and Patriotheridomyinae, or pseudo-multiserial for the most hypsodont Blainvillimys, Protechimys and Archaeomys; taeniodont dental patterns; lengthening of deciduous premolars for Patriotheridomyinae, Issiodoromyinae and Theridomyidae; selenodonty or lophodonty).
Evolutionary dynamics are analysed with respect to environmental changes. Finally, biochronological implications of the evolution of Theridomyoidea are discussed.